Quand Patrick arrive pour sa première séance, il est arrêté pour burn-out, pour une durée de 15 jours, il veut retourner travailler rapidement … ce qui lui arrive ne peut pas être une vraie maladie … "la dépression, c'est pour les faibles !" … il a fallu que le médecin du travail le menace de le déclarer inapte pour qu'il accepte de consulter un médecin et demander un arrêt de travail … et encore, il a négocié à la baisse la durée de cet arrêt.
De fil en aiguille, son médecin traitant lui prescrit des anti-dépresseurs, et des anxiolytiques à prendre ponctuellement si nécessaire, et l'oriente vers un psychiatre pour un suivi plus précis.
Quand il est arrêté "pour de bon", un mois qui sera prolongé pendant trois mois, au début, son corps lâche et il dort : c'est presque angoissant pour lui de ne rien faire, de ne pas se sentir actif, utile … et pourtant il sent désormais la fatigue, il sait qu'il a besoin de ce repos.
Je l'invite aussi à faire de l'exercice, à sortir, profiter de la nature … même en ville, il y a des parcs ! Il réinvestit des activités sportives qu'il apprécie et qu'il avait arrêtées par manque de temps : son corps retrouve progressivement son équilibre.
Dans nos séances, il prend conscience de la pression qu'il se met lui-même, au delà des exigences de son management … son perfectionnisme l'amène à vouloir tout faire et avec un tel niveau de qualité que la tâche est sans fin. En plus il a parfois du mal à déléguer : "ils ne savent pas bien faire … je perds encore plus de temps à corriger…"
Il nous faudra du temps pour comprendre ce qui l'amène à être aussi exigeant avec lui-même et les autres, les petites voix qui entrent en jeu dans ce moments là, le Parent interne quasi tyrannique et l'Enfant qui cherche à le satisfaire et se vit comme perpétuellement insuffisant. Après qu'il a repris le travail, nous continuons d'identifier les situations qui peuvent relancer cette "machine infernale".
Peu à peu son état du moi Parent peut lâcher de son besoin de contrôle et laisser plus de liberté à l'Enfant. Nous restons attentifs et nous continuons d'explorer son histoire : les blessures dont il a souffert, enfant, le manque de confiance en lui dont il souffre.
La toute petite enfance, l'enfance, l'adolescence, les études, les premières expériences professionnelles … il y a tellement de situations qui nous façonnent peu à peu.
Plus elles sont anciennes, plus elles sont inscrites dans le corps et cela prend du temps pour pouvoir saisir ce qui se joue, comment cela vient impacter le présent. Il s'agit aussi de faire de la place aux blessures anciennes pour qu'elles puissent guérir, d'entendre la souffrance du passé, ce qui a tant manqué à l'enfant, l'adolescent que nous étions …
C'est le travail thérapeutique qui permet de réinvestir la vie professionnelle de façon renouvelée, libérée de l'influence de ces parties blessées, désormais apaisées, en nous.